• _Musée d'Ecouen

    Le musée national de la Renaissance se trouve à Ecouen, abrité dans la demeure du connétable Anne de Montmorency. Cet homme important a su faire prospérer sa fortune tout au long d’une carrière riche en honneurs. A l’image de François 1er avec lequel il a été élevé, il cultive les arts et se montre un mécène efficace et sûr, au point de protéger pendant les guerres de religion plusieurs artistes protestants, alors que sa foi le fait combattre résolument du côté catholique.

    Le site du château rappelle immédiatement ceux qui bordent la Loire. _Musée d'EcouenLa pierre et l’ardoise habillent les bâtiments de leur sérénité. Au premier plan de la photo ci-contre, on reconnaît la chapelle avec ses hauts vitraux, et au second plan l’extrémité de l’autre aile qui se termine par l’aménagement d’une tour, vestige médiéval qui s’intègre à l’ensemble pour en rehausser la finesse. Le fossé dont on perçoit le tracé témoigne lui aussi d’un héritage désuet. La séparation avec les châteaux forts est nette. Les ouvertures nombreuses et les lignes tirent la construction vers le haut, les cheminées contribuent elles aussi à étirer l’ensemble. Cette légèreté se trouve renforcée par la hauteur du site. Le château domine les terres qui le nourrissent et qu’il _Musée d'Ecouenprotège en sachant prévenir toute attaque. La vue offerte de la terrasse dresse en effet un tableau général sur ce qu’on appelle depuis le plus haut moyen âge la France. Si ce terme renvoyait d’abord à la partie de la Gaule délimitée par la Loire et la Seine, il s’est spécialisé dès le XIe siècle pour désigner le territoire du nord-est de Paris. Les recherches archéologiques recensent un grand nombre de village sur cet espace fertile. Les aménagements modernes dont les axes routiers sont les traits les plus évidents, reprennent souvent des infrastructures anciennes.

    Une fois franchie l’enceinte, le visiteur découvre la cour du château. _Musée d'EcouenElle manifeste la construction en carré, propice à une réflexion sur l’harmonie géométrique. De fines colonnes contribuent à l’élévation du site et à sa légèreté. Les médaillons et les corniches cisèlent les murs sans excès pour éviter la monotonie et la pesanteur. La présence de la favorite d’Henri II, Diane de Poitiers, se laisse remarquer à de nombreux détails. Son initiale, D, se trouve mêlé à son reflet pour dessiner un chiffre reconnaissable, tout comme le croissant de lune, attribut de la Diane antique, que l’on trouve croisé dans une triple décoration, ou plus simplement au-dessus du balcon en compagnie de la fleur de lys qui représente le roi.

    A l’inté_Musée d'Ecouenrieur, les boiseries, les âtres et les meublent permettent de retrouver le cadre de vie d’un seigneur du XVIe siècle. L’entretien de l’ensemble est admirable et le patrimoine bien mis en valeur. Ainsi le carrelage d’une salle en occupe-t-il le centre pour insister sur son travail. Les poutres rendues visibles ne donnent pas aux pièces une hauteur démesurée car il s’agit bien de vivre dans ce cadre et non de recevoir en manifestant un faste d’apparat. Les pièces se succèdent en enfilade ce qui donne une impression de profondeur, quand l’œil fixe une porte. Les tentures nombreuses sur lesquelles nous reviendrons protègent du froid et rappellent avec un art subtil des scènes bibliques ou mythologiques.

    _Musée d'EcouenA l’intérieur comme à l’extérieur, la devise d’Anne de Montmorency se retrouve inscrite dans la pierre ou le bois. On lit en grec « Aplanos », ce qui signifie « qui ne s’égare pas », comme pour souligner au visiteur la fermeté et la rigueur du connétable. Ce mot qui revient si souvent lors la visite rappelle non seulement le courage sur le champ de bataille mais aussi la concentration en faveur d’un objectif, c’est-à-dire la valorisation d’une pensée exigeante que rien ne divertit. On pourra s’étonner du « N » inversé (mais les inscriptions antiques se lisent souvent dans les deux sens) ou de la terminaison simplifiée (le grec privilégierait « Aplanès »).   

     

    A l'intérieur, les arts se saisissent de tous les supports pour concourir à la gloire d'une époque qui érige la référence antique en garant incontournable de la culture. Les armes sont ainsi travaillées, comme le manifeste l'épée du m_Musée d'Ecouenarquis de Pescaire, principal capitaine de Charles Quint lors des guerres d'Italie. Sur la lame, une gravure de Mars rappelle la fonction de l'objet et l'inscription "Pescario martis debetur martius ensis" (l'épée martiale de Mars doit revenir à Pescaire) insiste sur la valeur de celui qui le possède. Il ne s'agit plus de se battre avec des armes sur lesquelles sont incrustées des reliques qui lui confèrent une force venant de Dieu comme au Moyen âge, mais de manifester sa puissance à l'aide du raffinement artistique.

    Les métaux sont également utilisés pour la sculpture, _Musée d'Ecouenavec des motifs sérieux ou plus légers, comme cet ébat satyrique. Dans tous les cas, la mythologie fournit un réservoir inépuisable de thèmes et de personnages. Les tapisseries ne sont pas en reste et l'évocation de l'histoire de Phaéton le montre bien. Sur plusieurs pans de murs, la légende de ce fils du soleil trop orgueilleux pour exiger de conduire le char de son père malgré son inexpérience illustre le texte d'Ovide. La dernière tapisserie de l'ensemble présente le tombeau_Musée d'Ecouen du héros. Sur la pierre, se lit l'inscription "ci-gît Phaéton qui par orgueil voulut mener le char du soleil". Derrière elle, les étapes de la métamorphose de Daphné concourent à créer un décor bucolique. Le personnage du premier plan se transforme lui aussi, comme le montrent ses mains qui se finissent en fleurs. L'arrière plan dessine un paysage en couleur bleutée pour donner une impression de profondeur que rehausse les drapés vifs des personnages. Le musée d'Ecouen possède également et surtout une tapisserie retraçant plusieurs épisodes de la vie de David. Leur majesté particulièrement bien mise en valeur dans les salles du château mérite qu'on se déplace pour la contempler.

    Le bois, le verre, la faïence sont également autant de matériaux par lequel le génie de la Renaissance s'épanouit. Tout ce que la terre contient de richesses peut être magnifié par l'homme. Le mythe d'Adam placé au centre de la Création et en devenant le maître est fréquemment utilisé à l'époque et il exprime bien cette grandeur de l'homme se saisissant de son environnement.

    _Musée d'Ecouen_Musée d'EcouenA gauche, le banc d'orfèvre dont la fonction est d'étirer les fils métalliques (notamment d'or) pour les travailler, possède toutes les caractéristiques d'une oeuvre d'art, tant la marqueterie y est raffinée. A droite un vitrail présente François 1er priant.