• _ exemple de commentaire sur Voltaire

    Voici un extrait du Commentaire historique de Voltaire, il s'agit d'un texte autobiographique publié en 1776. Voltaire emploie la troisième personne du singulier moins par modestie que pour présenter ses réussites sous un regard apparemment objectif. Voici comment il parle de Ferney qu'il a contribué  à rendre prospère. Imaginez un petit commentaire. A la suite de l'extrait, une proposition est faite.

     

    Texte :

        La discorde fut enfin si vive à Genève qu’un des partis fit feu sur l’autre, le 15 février 1770. Il y eut du monde tué : plusieurs familles d’artistes cherchèrent un asile chez lui, et le trouvèrent. Il en logea quelques-unes dans son château ; et en peu d’années il fit bâtir cinquante maisons de pierre de taille pour les autres. De sorte que le village de Ferney, qui n’était, lorsqu’il acquit cette terre, qu’un misérable hameau croupissaient quarante-neuf malheureux paysans dévorés par la pauvreté, par les écrouelles, et par les commis des fermes, devint bientôt un lieu de plaisance peuplé de douze cents personnes, toutes à leur aise, et travaillant avec succès pour elles et pour l’État. M. le duc de Choiseul protégea de tout son pouvoir cette colonie naissante, qui établit un très-grand commerce.

     

         Une chose qui mérite, je crois, de l’attention, c’est que, cette colonie se trouvant composée de catholiques et de protestants, il aurait été impossible de deviner qu’il y eût dans Ferney deux religions différentes. J’ai vu les femmes des colons genevois et suisses préparer de leurs mains trois reposoirs pour la procession de la fête du Saint-Sacrement. Elles assistèrent à cette procession avec un profond respect ; et M. Hugonet, nouveau curé de Ferney, homme aussi tolérant que généreux, les en remercia publiquement dans son prône. Quand une catholique était malade, les protestantes allaient la garder, et en recevaient à leur tour la même assistance.

     

         C’était le fruit des principes d’humanité que M. de Voltaire a répandus dans tous ses ouvrages, et surtout dans le livre de la Tolérance, dont nous avons parlé. Il avait toujours dit que les hommes sont frères, et il le prouva par les faits. Les Guyons, les Nonotte, les Patouillet, les Paulian et autres zélés le lui ont bien reproché ;  c'est qu'ils n'étaient pas ses frères.

         "Voyez-vous, disait-il aux voyageurs qui venaient le voir, cette inscription au-dessus de l'église que j'ai fait bâtir ? Deo erexit Voltaire. C'est au Dieu père commun de tous les hommes." En effet, c'était peut-être parmi nous  la seule église dédiée à Dieu seul.

         Parmi ces étrangers qui vinrent en foule à Ferney, on compta plus d'un prince souverain. Il fut honoré d'une correspondance très suivie avec plusieurs d'entre eux, dont les lettres sont entre mes mains. La moins interrompue fut celle de Sa Majesté le roi de Prusse et de Mme Wilhelmine, margrave de Bareith, sa soeur.

     

    proposition de COMMENTAIRE

    ne tenez pas compte de la numérotation des lignes et n'hésitez pas à proposer votre propre commentaire. Vérifiez que vous savez retrouver la problématique, parties et sous-parties.

     

     

     

     

    Quand le Commentaire historique sur les œuvres de l’auteur de la Henriade paraît en 1776, Voltaire est un écrivain reconnu et célébré par tous. Ce texte constitue une autobiographie d’un genre particulier puisque l’auteur semble se dissocier de son sujet. La première personne n’est utilisée que pour témoigner et ainsi insister sur la véracité des faits rapportés. La motivation première de ce livre se concentre en effet sur les actions menées par Voltaire qui répondent aux idées transmises dans sa production littéraire. Cette cohésion se retrouve quand il s’agit d’évoquer le domaine de Ferney qu’il occupe dès 1760. Nous envisagerons ici la manière dont la description de ce lieu met en valeur l’idéal de Voltaire. Pour ce faire, nous verrons dans un premier temps qu’il s’agit de présenter un havre de paix, puis, dans un second temps que ce site a vocation de devenir un modèle.

     

     

     

         Ferney est décrit pour mettre en évidence l’idéal de Voltaire, c’est ainsi qu’il se présente comme un havre de paix, d’une part parce qu’il ignore les factions et que de ce fait il est récompensé par une réussite économique.

     

           Un espace parfait suppose l’absence de toute tension, c’est ce que Voltaire semble avoir réussi à créer à Ferney. Nous observons tout d’abord qu’il y a une nette distinction entre ce village et l’extérieur. A Genève « la discorde » (l.1) gronde le 15 février 1770 ; au contraire Ferney connaît une paix durable. L’utilisation de la date permet d’insister sur un événement sanglant dont on peut supposer qu’il n’est pas isolé, la vie à Ferney n’a pour repère que des fêtes (celle du Saint-Sacrement par exemple l.23), les mois et les années se succèdent sans problème. A l’extérieur des camps s’affrontent et l’auteur insiste sur la mort sans révéler de nombre exact en utilisant l’expression indéfinie « il y eut du monde de tué » (l.3), libre au lecteur d’imaginer le massacre ; la situation à Ferney contraste fortement puisque on y voit une réciprocité dans le service que s’accordent catholiques et protestants. A la ligne 29, cette idée se formule par l’emploi du complément « à leur tour » soutenu par l’épithète dans « la même assistance ». L’emploi du subjonctif à la ligne 20 (« impossible de deviner qu’il y eût dans Ferney deux religions ») insiste sur cette idée puisqu’il dément toute réalité de deux camps, les deux religions ont perdu leur statut d’ennemi pour ne devenir que deux termes sans enjeu. Cet apaisement conduit alors à la prospérité économique.

     

    B. Une réussite économique

     

    _ opposition entre avant et après l’installation à Ferney (misérable hameaux, 49 malheureux, croupissaient, pauvreté, écrouelles ≠ village de Ferbey, 1200 personnes, à leur aise)

     

    _ insistance sur la prospérité avec l’adverbe dans « un très grand commerce » l.15

     

    _ présentation d’une politique économique : c’est en donnant une impulsion que le peuple prend confiance et s’enrichit -> construction (fit bâtir, j’ai fait bâtir) qui favorise l’entreprise (« travaillant avec succès pour elles et pour l’Etat ») -> le bonheur est créé par les particuliers eux-mêmes et ce faisant ils enrichissent l’état (cette idée est illustrée à la fin de Candide).

     

     

     

    II Un modèle

     

    A.Un discours théorique mis en pratique

     

    _ « il avait tjs dit… et il le prouva par des faits » 33 -> sincérité et réalisme des projets

     

    _ ce réalisme est attesté par le narrateur « j’ai vu, entre mes mains »

     

    _ « fruit des principes d’humanité … dans tous ses ouvrages » mise en application de sa philosophie

     

     

     

    B.Un modèle à élargir à l’humanité

     

    _ « plusieurs familles » qui forme une colonie (15+18) et qui favorise l’état (13)

     

    _ on vient à Ferney pour s’en inspirer, donc succès, « voyageurs »37, « viennent en foule »42

     

    _la référence au roi de Prusse valorise Voltaire -> succès reconnu à l’international

     

    _ la mention de Dieu signale que ce modèle correspond au bien de tous les hommes